Game UX - Des coups d’épée dans l’eau
-à propos du système d’armes dans Zelda: Breath of the Wild-
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Énormément de jeux très bien vendus et très connus du public se retrouvent avec des critiques similaires ou des points de frustration qui rassemblent les masses autour d’une expérience (négative) commune.
Que ce soit le système de navigation dans GTA V, la visée particulière dans Resident Evil 4 ou encore le contrôle de la caméra déjà à l’époque d’un Mario 64, les exemples sont légion depuis la naissance du jeu vidéo.
Malgré ces lacunes très légères, certains de ces jeux restent très appréciés et joués encore aujourd’hui. C’est la preuve que, à petite dose, ces contrariétés ne peuvent pas venir à bout d’une expérience globale agréable. Que ce soit les amoureux de la première heure ou les nouveaux arrivants, chaque personne qui lance le jeu de nos jours reste confrontée aux mêmes problèmes.
Même si certaines de ces mauvaises expériences trouvent leur source dans les limitations techniques d’une époque, ou l’expérimentation face à l’inconnu, de nombreuses solutions ont désormais été établies et posent des bases solides pour éviter ce genre de frustration. C’est pour cela que, quand un jeu aussi acclamé que The Legend of Zelda: Breath of the Wild propose un système moins élégant ou moins poussé, il se démarque aussitôt.
Face à cet Hyrule si avancé, ces ennemis si inventifs (toutes ces façons différentes de s’en débarrasser aussi) et ce renouveau global dans la licence Zelda, c’est donc tout naturellement qu’un système en particulier a subi les foudres des joueurs et joueuses : le système de durabilité des armes.
Apparemment, coller un effet rouge clignotant sur l’arme deux ou trois coups avant qu’elle ne casse, accompagné d’un tout petit message sur l’écran, ce n’est pas suffisant. Évidemment, ce n’est pas optimal, mais avec quelques modifications, il est possible de rendre le tout plus intéressant, plus agréable à l’usage et même plus intégré dans le monde du jeu.
Objectif : Matérialiser l’usure
J’aimerais émettre un petit disclaimer avant d’aller plus loin sur le sujet. Cet article est à voir comme un essai basé sur une idée personnelle. Je n’ai pas fait de recherches approfondies pour savoir si d’autres gens avaient proposé des solutions de leur côté, je me base sur un ressenti et une idée que j’ai eu au moment de jouer au jeu. Il faut aussi rester conscient que c’est plutôt un exercice de conception isolé. En effet, nous ne pourrons jamais proposer une “solution miracle” sans avoir connaissance des conditions techniques et logistiques de la production d’un tel jeu, ni des défis qu’a déjà pu avoir à relever l’équipe au moment de la création totale de l’œuvre. Le but ici n’est pas de “faire mieux” mais de théoriser une autre vision de la réalisation.
Ceci étant dit, passons maintenant au topic de cet article, et passons en revue les différents points de cette amélioration du système de durabilité des armes dans The Legend of Zelda: Breath of the Wild.
Contrairement à de nombreux avis exprimés sur Internet, je trouve ce système est utile et nécessaire à l’expérience globale du jeu. Il permet de dynamiser le gameplay, d’offrir une variété bienvenue dans les combats contre les différents ennemis mais aussi d’améliorer la capacité d’adaptativité des joueurs et joueuses face à l’imprévu, d’improviser davantage avec ce que leur riche environnement a à offrir.
Compte tenu des différentes vidéos qui expliquent la complexité cachée de ce système, notre solution n’est donc pas de le supprimer, bien au contraire. Je pense qu’il est possible de le rendre plus intelligible et surtout plus présent dans la compréhension des utilisateurs et utilisatrices. Pour ce faire, nous modifierons seulement quelques points clés dans l’optique de rester proche de l’expérience générale, et avec l’idée de faire comme si nous allions exposer cette idée à l’équipe pendant le développement du jeu.
Les changements apportés au système seront surtout visibles et effectifs sur trois postes particuliers. Évidemment, le premier est l’interface de sélection des armes qui est clairement la source d’information principale face à l’inventaire des options disponibles pour le combat. Le deuxième poste d’intervention permettra d’intégrer et de faire vivre de façon diégétique (ancrée dans l’univers du jeu), et le troisième sera une théorie exploratoire d’un changement rendu possible sur le gameplay.
Améliorer et dynamiser l’interface
La mécanique de sélection d’une arme est à portée de main. Elle se divise par une combinaison d’actions simples qui offre aux joueurs et joueuses le temps de sélectionner et décider quelle arme sera leur prochain outil. En appuyant sur la flèche de droite, l’univers se met en pause et une liste de cases apparaît pour laisser sélectionner une épée (ou un équivalent de combat rapproché). Il suffit alors de sélectionner l’arme de son choix en se rendant dessus avec le joystick droit, puis de relâcher la flèche de droite afin de valider notre sélection.
Même si ce n’est pas le sujet à proprement parler de cet article, il est important de souligner que ce changement d’arme nécessite donc une combinaison de touches (dont une maintenue pendant l’utilisation du joystick), posant ainsi un problème commun d’accessibilité. Tout le monde ne peut pas maintenir une touche tout en naviguant avec un deuxième input simultané. Nous ne ferons toutefois pas de changement sur ce point dans cet article pour nous concentrer sur l’augmentation de l’information concernant la durabilité des armes.
Cette information n’est pour l’instant pas représentée dans la majorité des situations. Seule une texture rouge clignotante s’affiche trois coups avant que l’arme ne casse, accompagnée d’un message textuel indiquant que l’arme est sur le point de se briser. Trois coups, c’est très rapide dans un combat, et la soudaineté de cette information peut être une cause de panique, qui peut même mener à un tournant décisif dans l’issue du combat.
Pour remédier à ça et donner aux joueurs et joueuses des clés d’organisation, nous allons rendre cette information plus accessible et compréhensible. Pour ce faire, nous considérerons une version simplifiée du calcul de la durabilité qui s’exprimera en pourcentage, 100% étant le maximum et 0% le moment où l’arme se casse, un peu comme une barre de vie finalement.
Au cours de cet exercice, des indications clés seront amenées à changer selon trois états (choisis arbitrairement). Ces trois états seront échelonnés par paliers :
- État 1, “ arme comme neuve” : de 100% à 50% ;
- État 2, “arme altérée” : de 50% à 25% ;
- État 3, “arme fragile” : de 25% à 0%.
Les cases présentées ont plusieurs composantes, plus ou moins pertinentes pour cet exercice :
- La première est évidemment une représentation graphique de l’arme concernée.
- La seconde est une valeur numéraire représentant la puissance de l’arme pour faciliter le choix face à différents types d’ennemis plus ou moins forts.
- La troisième est moins évidente, mais il s’agit du fond de la case qui arbore une couleur (bleu) indiquant l’arme équipée actuellement.
- La quatrième est un symbole indiquant une modification ou un bonus sur l’arme en question.
- La cinquième est le contour de la case qui est un repère de navigation dans la liste.
Étant donné que l’interface possède déjà une valeur numéraire reliée à la puissance de l’arme, nous n’utiliserons pas ce type de marqueur pour indiquer la durabilité restante. Pour avoir une solution plus élégante, nous nous concentrerons en fait sur le fond de la case qui peut arborer différentes couleurs.
En associant des couleurs différentes selon les états de durabilité de l’arme, nous remettons au centre de l’interface un élément de la fragilité de l’arme identifiable en un clin d’œil. Un schéma de couleur logique peut donc être attribué aux différents états, en considérant le trio vert-orange-rouge, rendu classique à l’usage par les différentes jauges et interfaces de progression au quotidien. Ainsi, la couleur du fond de chaque case pourra changer à chaque palier.
Pour ajouter un niveau supplémentaire de précision, nous pourrions même imaginer que le fond agisse comme une barre de progression, où la zone de couleur présente diminuerait petit à petit.
Répercuter la progression sur les modèles 3D
La proposition faite avec Breath of the Wild est relativement complète. C’est pour Nintendo un projet d’envergure, et ça se reflète dans ce gigantesque monde ouvert créé pour l’époque, qui reprend beaucoup d’éléments de la genèse de la franchise. À travers ces usages, Nintendo marque son envie de rendre tangible et immersif la plongée dans ce nouveau monde.
Avec l’ajout d’un mode “Interface minimale” jusqu’alors assez peu utilisé, l’équipe de développement souhaite aussi appuyer sur le sentiment d’implication dans l’aventure, en gommant certaines parties informatives au profit de l’immersion. Certains éléments clés deviennent donc plus suggérés et moins affichés, et je pense que nous devrions intégrer une part de cet effort à notre système de durabilité des armes.
Quoi de mieux alors que de répercuter nos différents états à travers un ajout de textures sur les modèles 3D existants. En ajoutant des traces d’usure (patine, griffures, etc.), nous pourrons donner vie à cette progression afin de lui offrir une existence significative au sein même de l’environnement physique du jeu.
Avec l’aura de corruption que Ganon a répandu à travers Hyrule, nous pourrions même envisager d’en faire une variante inspirée des effets visuels marqués de cette corruption en y appliquant leur signature graphique très singulière et reconnaissable.
Influencer le gameplay
Enfin, avec un système d’usure des armes plus établi et plus en place dans l’esprit des utilisateurs et utilisatrices, il nous serait possible de faire une proposition de conséquence sur le gameplay. Une des applications évidente possible de cette progression de l’usure pourrait être une répercussion immédiate de l’état de l’arme sur ses dégâts propres. Nous pourrions donc imaginer que la puissance de l’arme se retrouve affectée selon son état d’usure globale. Cette répercussion se matérialiserait par une association de couleur au niveau du nombre de dégâts proposé dans l’interface de sélection. Évidemment, nous pourrions relier cette perte de puissance à des effets évidents connus dans la vie, telle qu’une lame qui s’émousse au fur et à mesure de son utilisation ou encore un aplatissement de la taille du bout d’une lance par exemple.
Ce nouveau système et ce qu’il implique en gameplay pourrait ouvrir la porte à d’autres propositions, qui manquent peut-être déjà au jeu pour être plus complet et cohérent dans son univers étendu. Il s’agit notamment du manque de possibilité de réparation de ces armes qui s’effilochent ou de la possibilité de ramener des morceaux brisés pour en récupérer des ressources, voire même l’étendre à la possibilité de reconstruire une des armes qu’on a perdu qu’on appréciait particulièrement pour la reforger à un niveau acceptable.
Nous pourrions tout à fait envisager les différentes options qui s’offrent à nous pour mettre en place ce système compte tenu de la richesse du monde qui nous entoure. Ces options sont nombreuses et variées, et pour n’en citer que trois, nous pouvons mentionner les possibilités qu’offre la magie présente dans cet univers, ou alors via un Personne Non Jouable (PNJ), et même Link qui s’y attèlerait sur des postes de travail variés posés dans les villages d’Hyrule (une enclume, par exemple). Après tout, dans cet opus, Link profite déjà de différentes stations de cuisine pour se concocter de bons petits plats et autres remèdes et potions.
Si seulement il existait en Hyrule une épée toute puissante qui ne se brise pas et qui nous permette de devenir enfin le Héros de la Légende… Mais peut-être que c’est une histoire pour un autre jour 😉